Extrait de « Le sens des choses »
de Francis Lucille
de Francis Lucille
Dans quelle mesure sommes-nous libres de déterminer notre vie ?
En tant qu'individu ou en tant que ce que nous sommes profondément ?
En tant qu'individu.
Dans ce cas, nous sommes entièrement conditionnés, donc il n'y a pas de libre arbitre. En apparence, nous exerçons notre libre choix, mais en fait nous ne faisons que réagir comme des automates aux stimuli de notre environnement et de noire mémoire, parcourant sans relâche les mêmes schémas de noire héritage bio-sociologique, aboutissant invariablement aux mêmes réactions, telle une machine automatique dispensant des boissons dans une gare.
En tant qu'individu, notre liberté est illusoire, à l'exception de la liberté qui nous est laissée à chaque instant de ne plus nous prendre pour une entité séparée et de mettre ainsi fin à notre ignorance et à notre misère.
En revanche, au plan de notre être profond, tout émane de notre liberté. Chaque pensée, chaque perception prend naissance parce que nous la voulons. Nous ne pouvons comprendre cela au niveau de la pensée, mais nous pouvons en faire l'expérience. Lorsque nous sommes totalement ouverts à l'inconnu, l'entité personnelle est absente et nous réalisons alors que l'univers sensible et intelligible surgit de cette ouverture dans un présent éternel. Nous voulons, créons et sommes à chaque instant toute chose dans l'unité de la conscience.
Vous parlez d'être totalement ouverts à nos pensées et perceptions.
Comment pouvons-nous accueillir tout ce qui se présente à nous mal¬gré le rythme effréné de la vie moderne ? Est-ce possible ?
En fait vous n'avez pas le choix car, quoi que vous pensiez, perceviez ou fassiez, vous l'accueillez d'instant en instant. Par exemple, lorsqu'une pensée apparaît, cette apparition est spontanée, n'est-ce pas ?
Je ne vois pas où vous voulez en venir.
Vous n'exercez aucune action sur vous-même afin de faire apparaître cette pensée.
Même si vous exerciez une telle action, cette action elle-même serait une autre pensée spontanée. En fait toutes choses apparaissent d'elles-mêmes dans la conscience qui est toujours dans une ouverture totale.
La conscience ne dit jamais « je veux ceci» ou « je ne veux pas cela».
Elle ne dit rien parce qu'elle accueille en permanence tout ce qui se présente en son champ. Quand vous dites « je veux ceci» ou « je ne veux pas cela», ce n'est pas la conscience qui parle, c'est simplement une pensée surgissant en son sein. Ensuite vous dites « je n'étais pas ouvert», et c'est l'irruption d'une nouvelle pensée.
L'arrière-plan de toute cette agitation mentale est la conscience toujours ouverte, toujours accueillante.
Du moment que vous êtes vivant, vous êtes ouvert. L'ouverture est votre nature.
C'est pourquoi il est si agréable de s'y trouver ; on s'y sent chez soi, à l'aise, naturel.
Vous n'avez rien à faire pour vous trouver dans l'ouverture, si ce n'est comprendre qu'elle est votre nature réelle, que vous y êtes déjà.
Dès que vous établissez votre demeure dans la conscience-témoin, l'agitation mondaine n'a plus de prise sur vous. Vous comprenez le processus dans son ensemble et par là même vous y échappez.
Vous faites un saut dans une autre dimension. Familiarisez-vous avec elle. Voyez-en l'impact sur votre psychisme et votre corps.
Peut-être mes paroles vous semblent-elles pour le moment de simples concepts, mais le jour viendra où elles se dissoudront en vous, devenant compréhension vivante.
Alors la question de savoir comment méditer, comment être ouvert, ou comment être heureux ne se posera plus parce que vous êtes déjà méditation, ouverture et bonheur.
Mais nous l'ignorons !
Enquêtez, trouvez par vous-même.
Voyez s'il est vrai que vous êtes conscient en permanence.
Voyez s'il est vrai que ce que vous vous savez être fondamentalement est conscience.
Ne prenez pas mes assertions pour des faits établis.
Mettez-les en question, ainsi que vos propres croyances.
Interrogez aussi la notion d'une conscience limitée et personnelle.
Vivez avec ces questions, et surtout vivez dans l'ouverture silencieuse qui suit le questionnement, dans le « je ne sais pas» créateur.
Dans cette ouverture viennent des réponses qui modifient et purifient peu à peu la question initiale, la rendant de plus en plus subtile jusqu'à ce qu'elle devienne informulable par la pensée. Laissez ce dynamisme résiduel s'épuiser de lui-même dans votre attention bienveillante jusqu'au moment où la réponse ultime jaillit en vous dans toute sa splendeur.