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jeudi 31 mars 2011

Le plein s'adressant au plein

Extrait de « L'obligation de conscience»
de Yvan Amar


La liberté au cœur de la relation enseignant-enseigné

II est évident que la nature de cet enseignement se doit d'être, avant tout, fondée sur la liberté. Cela n'est possible que parce que l'instructeur ne témoigne pas à partir de la compensation d'un manque en lui. Nous connaissons tous l'expérience du manque et la peur qui en découle.
Toute souffrance liée à cette peur et à ce manque nous met d'emblée dans une situation de grande vulnérabilité, de potentielle dépendance. Le moteur de nos comportements étant lié à ces manques, à ces peurs, nous allons essayer, dans un premier temps, de ne plus souffrir, de ne plus éprouver la peur ni le manque. Par là même, nous nous mettons en situation de manipulé potentiel. Il suffit que dans le paysage apparaisse quelqu'un qui a remplacé en lui le manque par un sentiment de conviction, de certitude, comblant provisoirement son manque sur le plan mental, affectif ou physique, pour que cette personne puisse nouer avec vous une relation de pouvoir, en vous disant : « Je détiens ce qui peut apaiser votre souffrance, votre inquiétude et combler votre manque. » Cet être, parce qu'il vit lui-même à partir d'un manque comblé, va s'adresser à votre souffrance, à votre manque et, de cette façon, il vous tient. Une relation de pouvoir s'installe alors, une relation de dominant à dominé, parce que lui semble posséder quelque chose que vous ne possédez pas, et vous croyez que le posséder aussi serait la solution qui vous soulagerait de la souffrance découlant de l'expérience du manque en vous, Ce mécanisme est important.
Toutes les relations humaines de manque comblé à manque en attente sont des relations de pouvoir, de domination et d'aliénation.

Un véritable instructeur n'est jamais dans le cadre d'une telle relation.
Parce qu'un instructeur, un éveillé, ne fonctionne pas dans une relation sur la base d'un manque comblé ; il fonctionne à partir de la reconnaissance intuitive du plein, reconnaissance qui ne souffre pas la séparation. Lorsqu'il s'adresse à vous, bien qu'il soit conscient du manque à partir duquel vous vous exprimez, il s'adresse en priorité à ce plein dont il se sait non séparé. C'est la garantie de liberté d'une telle relation. L'instructeur ne possède pas quelque chose qui vous manque, il vous rappelle à ce que vous êtes, qui n'est pas différent de ce qu'il est.
Où pourrait-il y avoir là la source d'une aliénation ? Vous êtes confirmés dans la même réalité. D'emblée, vous êtes libres de lui, parce que vous êtes ce dont il témoigne. Cela est le seul fondement qui authentifie la relation enseignant-enseigné. C'est le plein qui s'adresse au plein.

Une relation particulière au temps

Cela s'accompagne immanquablement d'une qualité toute particulière, un sens particulier du temps. Lorsque l'on s'adresse à votre manque dans une relation de domination, on exerce toujours à votre encontre un chantage subtil en se servant du prétexte du temps : « Pressez-vous, vous devez y arriver vite, vous avez peu de temps ! » Quand on ne vous met pas face à la menace de l'apocalypse imminente : « Tout va péter, tout va sauter ! », menace qui participe inconsciemment à cette panique. Un être qui s'adresse à partir du plein à votre plein, celui-là est le temps et dispose donc de l'éternité. Il vous offre cette éternité pour qu'elle se reconnaisse. Il n'y a donc jamais de pression. C'est là que vous ressentez cette qualité toute particulière de compassion infinie : personne n'est là pour vous presser, c'est constamment le même témoignage, la même patience, la capacité de répéter mille et mille fois la même chose, avec autant de tendresse, d'attention, avec le même souci, le même respect.
Lorsque vous êtes dans un environnement d'une telle qualité, quelque chose s'apaise naturellement en vous : la pression et le stress qui accompagnent habituellement le vécu difficile du manque sont immanquablement touchés par une telle qualité, par une telle présence en relation avec vous. Quelque chose de l'ordre du pressentiment de la paix apparaît en vous. Dans l'enseignement, vous avez le temps, parce que vous aurez jusqu'au bout de votre existence l'occasion de le reconnaître, de le faire grandir, de le vivre. Ce n'est pas pour quelque temps, histoire de combler un manque, c'est pour la vie, histoire de témoigner du plein.

L'implacabilité du témoignage

Après la liberté et le temps vient un troisième élément, peut-être moins confortable : l’implacabilité absolue de ce témoignage. La compassion d'un tel témoignage est impitoyable. Il n'y a pas de compromis ni de concession possibles. La nature incorruptible de ce témoignage vous oblige.
On ne peut pas négocier Dieu, on ne peut pas négocier le réel ; c'est le prix fort, sachez-le d'emblée. Le réel, c'est la totalité du prix, ce qui veut dire aussi la totalité de vous qui est demandée. Non pas dix, vingt, trente, quatre-vingt-dix ou quatre-vingt-dix-neuf, mais cent pour cent de vous ! Comprenez bien qu'il n'est pas question d'une pression, mais d'une exigence absolue pouvant être au départ confondue avec l'urgence mais qui n'a rien à voir avec le chantage de l'urgence : c'est la priorité.
Qu'est-ce qui fait priorité dans votre vie ?
Avez-vous reconnu cette valeur prioritaire autour de laquelle vous pouvez articuler, organiser votre vie, lui donner un sens ?
Celui qui porte le témoignage du sens de la vie, apporte avec lui le goût de la liberté, l'espace d'un temps infini, mais aussi l'exigence d'une priorité absolue dans votre vie.