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mardi 15 mars 2011

Le feu de "JE SUIS"

Extrait de « Mal d'ego, bonheur d'être »
de François Malespine


Un jour, j'ai vu à la télévision un aborigène d'Australie faire du feu.
Ces images m'apparurent comme l'illustration de cette absence de lien entre effort et éveil.
Si l'on prend un peu d'herbe sèche, deux morceaux de bois, l'un plat dans lequel un cône a été préalablement creusé, l'autre rond dont un bout a été taillé comme un crayon. Si l'on emboîte la pointe de l'un dans le cône de l'autre et que l'on fait tourner rapidement le premier au moyen d'un archer, la friction produit la chaleur, et tout à coup, une flamme apparaît, l'herbe sèche brûle.
Il n'y a pas de lien de cause à effet entre la flamme et le frottement. Il y a un lien de cause à effet entre la friction et réchauffement et à un moment apparaît la flamme qui est toute autre, qui est d'une autre nature que le mouvement, le bois et l'herbe sèche. L'homme alors cesse tout mouvement et souffle doucement pour faire croître cette flamme naissante. Ce n'est qu'une image, sans doute contestable par la physique, mais qui peut nous mener plus loin : lorsque la flamme apparaît, il y a encore les deux morceaux de bois, et cette petite flamme un enfant peut l'éteindre du pied. La faire croître nécessite le souffle de l'homme, c'est à dire son existence même.

De même, lorsque la conscience impersonnelle se dévoile, il y a encore l'ego, la capacité toute puissante à s'identifier à tout ce qui, en nous, dit : « moi, à moi, c'est moi qui ». Cette capacité à s'identifier est vue et devient le combustible de cette conscience retrouvée. Comme le feu grandit alors même que le bois diminue, la conscience impersonnelle se dévoile avec plus de netteté alors même que la conscience « je suis moi » bien que subsistant, s'efface. La flamme c'est le Je Suis, le bois c'est l'ego, l'herbe sèche c'est la grâce donnée, la possibilité « de s'enflammer » au contact de notre origine. Le souffle c'est la pratique du « je suis » retournant à lui-même. Lorsque la conscience Je Suis aura totalement transfiguré l'ego, elle retournera à l'Absolu, qui dans l'exemple précédent est l'air.
A cet instant le feu — la conscience Je Suis — retourne au non-manifeste — (l'air) — Principe suprême.

Pour continuer notre exemple, l'apparition de la flamme nous fait passer de la croyance « le feu existe », à la vision et au vécu de la flamme. Ce vécu nous met dans la simplicité et la responsabilité d'un chemin à faire, qui apparaît paradoxalement sans progression et sans niveau, car affranchi du temps, de l'espace et de la causalité.
En conclure pour autant qu'une pratique exigeante est superflue est une aberration. En sortant de l'absolu, la conscience « Je Suis » entame le processus d'identification dont l'apogée est la sensation : moi-l'autre, en lequel Elle se perd.

Commence alors l'errance. Lorsque la conscience Je suis se dévoile à nouveau à Elle-même, Elle entame le processus de désidentification, et remonte vers son origine. Elle se perçoit alors comme un pont entre l'absolu et la conscience individuée et identifiée. Ce pont qui a permis l'éloignement, permet le retour et doit être franchi dans les deux sens. En cela se résume la recherche du chemin, le chemin lui-même et sa fin.

Pour que le dévoilement de la conscience impersonnelle nous mette le pied à l’étrier, il faut qu'il serve à la mise en cause de l'identité moi. Comme toute expérience spirituelle, le dévoilement de la conscience impersonnelle Je Suis » peut être récupéré et utilisé par l'ego. Cela revient à verser de l'eau sur le feu. L'homme est alors plongé dans une épaisse fumée et y précipite les autres.

Même en ayant fréquemment accès au vide originel, nous demeurons dans un fonctionnement ordinaire et cela doit être vu et reconnu. Lorsque ce vide est suffisamment installé, une simplicité d'enfant regarde nos différents fonctionnements pour ce qu'ils sont, sans que ce petit éveil soit mis en question, mais sans le prendre non plus pour l'Eveil avec un grand E. Même si nous nous retrouvons englués, perdus dans une souffrance ou une émotion puissante, aucun état n'est perçu comme trouvant sa source dans la situation rencontrée.
Cet aveuglement que nous connaissions autrefois et qui nous condamnait à rendre l'autre responsable, à vomir notre émotion heureuse ou douloureuse sur tout et n'importe quoi, s'éloigne.
La phrase de Swami Prajnanpad : « Pas d'excuse » prend naturellement sa place dans notre cœur. Notre petit moi blessé ou fasciné est immédiatement reconnu et accueilli.

Ici interviennent la pratique et la notion de disciple. Il n'y a pas de chemin sans mise en question de l'ego. Il n'y a pas de mise en question de l'ego par lui-même. Etre sous le projecteur du « Je Suis » est souvent, pour l'ego, amer. En effet, d'une part il est perpétuellement démasqué, de l'autre un cadre est mis à ses manifestations.

L'évangile de Philippe définit parfaitement ce point :
« Les apôtres qui étaient avant nous l'appelaient " Yeshoua de Nazareth, le Messiah ".
En premier « Yeshoua », en dernier « Messiah », au milieu « de Nazareth ». « Messiah » peut avoir deux significations : " Celui qui a reçu l'onction et celui qui se donne des limites ". « Yeshoua » en hébreu signifie " la liberté ", « Nazara » la vérité ".
Ainsi, le Nazaréen est la vérité, celui qui se libère, et celui qui se donne des limites ». (Evangile de Philippe)
Jésus qui se définit lui-même en tant que pur « Je Suis » (avant qu'Abraham fût, Je Suis) est liberté (libre des conditionnements intérieurs), il est de Nazareth, c'est-à-dire en sa vérité, en sa véritable origine, conscient de sa véritable identité, et il est Messiah c'est-à-dire celui qui a reçu l'onction (l'Eveil) et celui qui se donne des limites (qui ne vit plus à l'aulne de l'ego).

C'est la parfaite définition de l'Eveillé avec un grand E. C'est aussi la parfaite définition du disciple spirituel lorsqu'il passe du concept au goût. Le chemin consiste alors pour lui à faire en sorte que ce goût imprègne progressivement ses actes. Ainsi, s'il n'y a pas de relation entre l'effort et l'éveil il n'y a pas d'éveil sans effort. Ce n'est pas l'effort qu'il faut mettre en cause, mais le mental qui fait sien un mouvement de la conscience appelé effort.

L’ego se nourrit de la sensation « c’est moi » et meurt de la simple vision « c’est ».