J'ai initialement écrit cet article sur Facebook, en recopiant un post que j'avais fait suite à une question posée dans l'un des groupes dont je suis membre, me disant que ma réponse, sous forme d'article, pourrait peut-être servir à d'autres.
De nombreux commentaires, questions, réactions, ont été postés suite à la mise en ligne de mon article : j'ai fait le choix, plutôt que de répondre sous forme de commentaires sous Facebook, de les inclure, avec mes réponses, dans l'article, qui au final a une taille que je n'avais pas du tout prévue au départ ! Pour certaines des questions, j'ai choisi de répondre sous forme de vidéo, trouvant cela plus vivant (et ayant les doigts un peu fatigués à force de taper sur mon clavier !)
De nombreux commentaires, questions, réactions, ont été postés suite à la mise en ligne de mon article : j'ai fait le choix, plutôt que de répondre sous forme de commentaires sous Facebook, de les inclure, avec mes réponses, dans l'article, qui au final a une taille que je n'avais pas du tout prévue au départ ! Pour certaines des questions, j'ai choisi de répondre sous forme de vidéo, trouvant cela plus vivant (et ayant les doigts un peu fatigués à force de taper sur mon clavier !)
Cependant, comme je témoigne dans cet article de ma vérité sur ce sujet, j'ai de la joie à l'affirmer avec toute la vigueur de mon expérience de ces trente dernières années de parcours...
Et je fais le voeu que chacune et chacun d'entre vous trouver ce qui lui est le plus précieux pour réaliser sa nature véritable, avec ou sans guide !
L'éveil est-il possible sans un guide spirituel ?
Tout est possible, et Ramana Maharshi illustre parfaitement que l'éveil peur advenir sans aucune relation avec un guide incarné. Plus récemment, Stephen Jourdain, Eckhart Tolle, Byron Katie continuent d'illustrer cela.
J'aime beaucoup ce que dit Adyashanti sur ce sujet : "De tels éveils sont des exceptions. Ils sont une grâce survenant, sans même qu'elle ait été demandée. Selon mon expérience, si vous êtes en train de chercher l'éveil, il y 100% de chance que votre éveil ne se déroule pas de cette façon-là !"
C'est également mon expérience, depuis une trentaine d'années de cheminement spirituel...
Pour ma part, il est clair que je dois tout ce que je goûte actuellement ("être" ce que je suis véritablement, et le goûter, quels que soient les états changeants apparents) aux guides qui m'ont accompagnée, et continuent à accompagner ma vie...
En temps que "chercheur spirituel", ayant compris que ma souffrance vient d'une identification erronée à mes sensations, émotions, perceptions, comment puis-je espérer me libérer de cette identification erronée (qui peut agir en moi à tout moment) sans le soutien, l'aide d'un être libéré de ce conditionnement, et qui pourra me montrer mes "angles morts" de discernement ?
Pour moi, cheminer sur le sentier de l'éveil sans guide, c'est comme rouler en voiture sans rétroviseur : très risqué, car ma propre vision de la route est très limitée.
Donc, bien humblement, j'ai choisi et continue à choisir d'avoir un "rétroviseur" spirituel pour m'aider à faire bonne route vers la destination qui est mienne. Ceci me semble d'autant plus précieux que j'ai l'illusion d'une route et d'une destination, alors que je suis déjà arrivée, en réalité ! Qui à part le guide pourra m'aider à réaliser mon illusion d'optique ?
Dernier point : pour moi, l'ego ou identification erronée à mes sensations, émotions, pensées, existe à partir du moment où je ne remets plus en question le fait "d'avoir raison".
Le guide est justement celui à qui (après l'avoir testé et choisi) je donne le pouvoir d'avoir toujours raison.
C'est ma sécurité de pouvoir, même lorsque je suis sûre d'avoir raison, pouvoir envisager un autre point de vue que celui que me propose l'identification du moment... Une sorte de "garde-fou"...
Mon premier guide m'avait dit, il y a 15 ans : "tu as tous les défauts, mais tu as une qualité qui te sauve : tu sais t'incliner, t'ouvrir et accepter immédiatement une vérité, lorsqu'elle t'est dite, ou lorsqu'elle t'apparait".
Pour moi, avoir un guide, c'est accepter de s'incliner, s'ouvrir et accepter la vérité, que je dis chercher (et qui est ma nature véritable), par les paroles, les actions d'un autre (le guide) qui me la rend accessible, lorsque mon identification y fait obstacle.
Mais la vie elle-même, les situations, les êtres que nous rencontrons ne peuvent-ils jouer le rôle de guide pour nous ?
Bien sûr que chacune et chacun d'entre nous tire leçon de ses expériences de vie...Tout être en chemin vers sa nature véritable cherche la vérité se trouvant en toute chose, et devient ainsi un explorateur attentif des cadeaux spirituels que peuvent lui offrir ses expériences quotidiennes.D'un autre côté, mon expérience est que mon mental assimile, intègre (ou du moins, tente d'assimiler, intégrer, en un mot, contrôler) tous les moments de conscience pure, de reconnaissance de la vérité, pour les adapter à la cohérence de sa matrice perceptive : pour ce faire, il n'hésite pas à arrondir les angles d'une expérience carrée, pour les faire rentrer dans son modèle sphérique (par exemple)...Si mon intention est de rencontrer la réalité, la vérité de ma nature originelle, de vivre l'expérience directe du "Qui suis-je ?" auquel nous invitait Ramana Maharshi, j'ai à être lucide sur mon propre fonctionnement : mon constat personnel est que mon mental refait passer par son filtre TOUT ce que je vis, y compris les plus sublimes moments de reconnaissance de ma nature véritable, dans une tentative assez désespérée d'englober ce qui lui donne naissance...Avoir un guide spirituel est ma garantie d'avoir toujours un oeil lucide extérieur à la matrice toujours plus évoluée, toujours plus intelligente, et même toujours plus spirituelle que recrée sans cesse mon mental autour d'une identification de plus en plus subtile : d'une identification à "moi", le mental crée ensuite une identification à "soi", puis finalement à "l'être éveillé", voire même à "l'éveil" lui-même...Pour moi, le guide me pointe inlassablement, avec intransigeance et bienveillance, les couches les plus subtiles de l'identification subsistante...
Qu'est-ce qui t'empêche de voir ton prochain comme un guide qui peut aussi te révéler des angles-morts et d’accepter d'être pointée dans tes angles mort par tout ce qui est et qui se présente à toi, incluant le guide si tu veux mais incluant tout... Toute l'expérience du réel devient alors mon guide. Ou plutôt j'accepte de jouer le jeu (du guide) avec tout le réel…
Rien ne m’empêche, a priori, dans l’intention, de voir mon prochain comme un guide susceptible de me révéler mes « angles morts ».
Et la question n'est pas que ce "prochain" ne soit pas aussi "efficace" qu'un guide : il n'est pas question de son "efficacité", mais de ma capacité à accepter à tout moment la remise en question d'autrui.
Mon expérience est que, même si c'est mon intention, dans la réalité, certaines parts de mon identification refusent de se "soumettre", de "se rendre" à ce que me pointe l'autre... Donc, avec beaucoup de réalisme, je choisis de soutenir mon intention d'être "pointée" dans mes angles morts en décidant qu'avec celui/celle que je choisis pour guide, il n'y aura pas d'exception à l'ouverture, quoi que raconte mon identification...
"Avoir l'intention" de "jouer le jeu (du guide) avec tout le réel" ne suffit pas, dans mon expérience, à ce que cela se vive concrètement, quelles que soient les situations.
Pour moi, choisir un guide, c'est juste assumer avec humilité ma limite d'acceptation de "jouer le jeu (du guide) avec la vie en général, à tout moment, sous toutes ses manifestations, et m'offrir la possibilité de m'ouvrir complètement à mes angles morts, au moins avec un être, totalement !
Tout d'abord, être lucide sur le fait que, pour pouvoir vérifier que "la matière est bien de l'or", il faudrait être capable de discerner l'or du métal doré... Or comment le ment-al peut-il reconnaitre ce qu'il ne connait justement pas ?
Comme le disait mon premier guide : "Pour reconnaitre un diamant, il faut déjà en avoir un éclat dans l'oeil..."
Ensuite, considérer que "le maître a toujours raison" est justement le garant que l'ego n'aura pas raison.Voilà comment je vois les choses : il y a ma (la même en tous) nature véritable, pure vérité, pure ouverture, pure conscience, qui joue à se manifester "en tant que" sensations, émotions, pensées. Aucune dualité en cela, seulement Unité se manifestant "en tant que" diversité. Et dans ce jeu du Je unique, se manifeste une particularité nommé "identification" : le Je source joue à se prendre pour ses états. "Je" ressens qu'un état de tristesse travers l'espace-conscience que je suis se mue en "Je suis triste"...
Une fois ce jeu-là amorcé, le Je originel est bien vite oublié, et demeure l'identification à nos états sensoriels, émotionnels, mentaux...Dans cet article, j'appelle "mental" (mind en anglais) ce qui nous fait nous identifier à ces états.Rien de mal à cela, aucun problème avec le fait que le mental fasse cela : simplement, ce n'est pas la réalité de QUI nous sommes vraiment. Or le petit souci est que le mental est persuadé d'avoir raison dans ce qu'il perçoit, quoi qu'il perçoive... Donc, lorsque je choisis de reconnaitre un être comme mon guide, de lui donner ce rôle, j'extériorise, pour mieux l'entendre, le "Je source", cela me permettant de voir en miroir pour qui le mental est en train de se prendre.
Un mot que j'aime particulièrement en anglais est "surrender", qui est la façon anglaise de prononcer le mot du vieux français "surrendre", signifiant s'abandonner à... Que mon "Je source" soit représenté par la parole, l'action du guide est un soutien pour que mon mental puisse "surrendre", là où habituellement, il "prendrait le mors", comme un cheval refusant de suivre la direction que son cavalier l'invite à suivre...Donc, choisir un guide, lui donner toujours raison est justement pour moi une façon de "déléguer par identification", mais pour accepter d'avoir tort... !
Ce qui est pointé ici sont les écueils auxquels se heurtent la plupart des personnes lorsqu'on parle de la notion de "guide" : le mental se cabre comme un cheval rebelle à l'idée qu'on puisse lui enlever sa sacro-sainte liberté, et son soi-disant libre-arbitre.
La notion de guide et la relation « guide-disciple » mettent en lumière beaucoup d’enjeux du chemin spirituel, qu’Arnaud Desjardins a abordé de façon très exhaustive dans son ouvrage « L’ami spirituel ».
Ma recommandation serait, pour celles et ceux qui se posent des questions sur ce thème, plutôt d’en discuter ici, que vous lisiez d’abord intégralement ce livre, et que vous reveniez ici ensuite s’il vous reste encore des questions sur le sujet…
Pour celles et ceux qui n’ont pas envie de lire ce livre, je vais essayer d’aborder ici les aspects qui me semblent essentiels, en lien avec les questions précitées.
Le Guide : qui dit que c’est un Guide ? Sûrement pas lui !
Comme je l’ai écrit plus haut dans cet article, c’est le disciple qui offre ce rôle à quelqu’un qu’il juge digne de confiance. Tous les abus que l’on peut rencontrer au niveau sectaire ont pour fondement l’inverse : une personne s’auto-investit d’un pouvoir, et profite ensuite de la faiblesse du moment et de la crédulité des personnes venant à elle pour exiger qu’elles fassent ceci ou cela, et en particulier, qu’elles s’isolent de leur famille et lui donnent un maximum d’argent. Lorsqu’on investit un être du rôle de guide, nous choisissons de lui obéir, en aucun cas nous ne recevons d’exigences de sa part : aucun être n’a le pouvoir de nous faire faire ce que nous ne voulons pas faire ! Il faut que nous lui donnions ce pouvoir !
Extraits de « L’Ami spirituel » d’Arnaud Desjardins
La confiance : Le disciple a non seulement le droit mais le devoir de se poser certaines questions préalables mais, à partir du moment où il a choisi un maître, il faut que la confiance s’instaure. Sinon dès que le maître commencera avec vous le véritable travail qui lui incombe et qui passe obligatoirement par la mise en cause de vos fonctionnements habituels, vous ne serez plus d’accord avec lui, vous en conclurez que vous avez raison et qu’il se trompe.
L'obéissance : c’est la reconnaissance d’une autorité extérieure bénéfique pour se libérer d’un esclavage intérieur désastreux.
Il ne vous est pas demandé d’obéir au doigt et à l’œil comme des esclaves, mais de réfléchir profondément à cette question, car l’obéissance est une aide dont on ne peut se faire aucune idée tant qu’on ne l’a pas expérimentée.
Etes-vous capable de franchir le pas qui consiste à vous soumettre à un homme libre dont le but est vous conduire le plus vite possible à votre liberté, à la libération, à l’indépendance, à l’autonomie ?
Il est certain que l’ego et le mental ressentent parfois violemment que le maître est « un autre » car dire que : le maître est un avec le disciple ne signifie pas qu’il doit me justifier et me donner raison tel que je suis aujourd’hui, c’est-à-dire, en fin de compte, dans mon esclavage actuel. Donc, le disciple se rebiffe et résiste : je ne me soumettrai pas à quelqu’un qui veut m’obliger à faire ce que je ne veux pas faire et qui veut m’empêcher de faire ce que je veux faire. « Si ton mental vit, tu meurs ; si ton mental meurt, tu vis. » Au lieu d’être l’esclave de votre mental qui vous veut du mal, devenez l’élève de votre guru qui ne vous veut que du bien. La vraie manière d’échapper à ce statut d’esclave, c’est de vous soumettre à l’autorité d’une personne qui, elle-même, a échappé à ce statut.
En vous soumettant à un maître digne de ce titre (étant entendu que c’est vous qui lui donnez ce titre, pas lui !), vous vous soumettez à vous-mêmes, vous-mêmes enfin déjà arrivés à votre propre sagesse. C’est seulement cette manière de s’exprimer qui peut vous permettre de comprendre. Celui qui, aujourd’hui, est le plus vous-mêmes libres, vous-mêmes autonomes, vous-mêmes guéris, c’est le guru. La plupart d’entre nous ne sommes pas prêts à cette conversion drastique car la tendance de l’ego, c’est le refus d’obéir et nous n’avons au départ aucune envie de nous « remettre à quelque autorité que ce soit. »
[fin des extraits du livre "L'ami spirituel" par Arnaud Desjardins]
Comme je l’ai déjà dit, rien n’existe de tel qu’un guide, en soi… C’est le disciple qui fait d’un être son guide, en acceptant volontairement de jouer au jeu « guide-disciple » : en ce cas, le guide de ce disciple a raison, pour lui, sachant que ce qu’il dit pour ce disciple et qui est « avoir raison » pour ce disciple-là, est sans doute exactement l’inverse de ce qu’il dirait à un autre !
A ce sujet, il me revient une anecdote avec une disciple d’Osho, qui cherchait à faire ce qui était juste aux yeux de celui qu’elle considérait comme son guide. Elle mettait donc beaucoup de soin à s’habiller selon les recommandations en vigueur à l’ashram. Elle arrive donc à un satsang, toute de blanc vêtue, et Osho l’apostrophe devant toute l’assemblée en lui disant « Ah ! Tu te crois assez éveillée pour t’habiller en blanc ! Quelle arrogance ! ». Atterrée, elle quitte le satsang sous les rires de la salle, et passe la journée à chercher comment s’habiller le lendemain. Finalement, elle choisit de s’habiller en noir, se disant que c’est la couleur de la cendre, de l’humilité. Elle arrive, fébrile, au satsang. Dès son arrivée, Osho l’interpelle : « Oh ! De mieux en mieux ! Te crois-tu assez humble pour porter la couleur noire ? ». Effondrée, elle quitte la salle sous les rires redoublés de l’assistance. Elle passe encore une journée cauchemardesque à essayer de deviner quelle couleur est appropriée pour elle. Elle choisit finalement l’orange, qui est la couleur des vêtements des sannya, se disant que puisqu’aucune couleur n’est appropriée à ce qu’elle est, elle peut peut-être porter la couleur de celles et ceux qui renoncent à tout, y compris à eux-mêmes. Le lendemain matin, tremblante, elle se présente au satsang. Immédiatement, Osho la harangue d’une voix tonitruante : « Mais que fais-tu dans la robe des sannya, alors que tu n’en as pas pris les vœux ? »… S’effondrant devant lui, en larmes, elle lui fait part de son désarroi : « Maître, je ne sais plus que faire, aucune couleur ne vous va jamais… que dois-je porter, dites-moi, je n’arrive pas à me retrouver dans ce que vous me dites ! ». Osho éclate de rire et lui dit : « Ne comprends-tu pas justement que mon rôle est de t’aider à te perdre !!! Je te dirai non à chaque couleur de robe jusqu’à ce que tu réalises de quelle façon tu t’identifies à ce que tu portes !!! »
Si un « touriste spirituel » était passé le premier jour, il aurait simplement entendu dire par Osho que la couleur blanche n’était pas appropriée ; si le lendemain, il était alors voir un autre enseignant, il aurait pu entendre que la couleur blanche était la plus appropriée et en déduire que ces deux enseignants tenaient un discours différent, là où, au fond, ils tenaient exactement le même : dire ce qui était le plus à même de pointer au disciple la source de son identification erronée.
Certains proches de Krishnamurti lui ont dit, à la fin de sa vie, désespérés de n’avoir pas atteint leur vérité par eux-mêmes, telle qu’il leur enjoignait de le faire, sans avoir de guide : « Vous êtes monté par une échelle au sommet de la tour du discernement. Arrivé en haut, vous avez jeté l’échelle, et vous nous avez dit ‘Pourquoi ne volez-vous pas, tout simplement pour me rejoindre ?’. Il n’est pas juste de nous demander de suivre un chemin qui n’est pas celui que vous avez emprunté ! »
Pour ma part, je comprends ce que veut dire Krishnamurti lorsqu’il parle de chercher la vérité par soi-même, et je suis bien d’accord avec sa phrase « vous ne pouvez pas trouver la vérité ailleurs qu’en vous-mêmes ».
Le guide n’est là que pour favoriser cette rencontre avec la vérité que nous sommes… Une fois que l’on est conscient de ce que nous cherchons, de sa nature, qui est notre nature véritable, nous savons qu’aucun guide ne pourra jamais nous apporter la vérité, car cela signifierait que la vérité est un « objet » que nous pouvons « avoir », alors qu’elle est cela même que nous sommes…
Par contre, je vois les ravages que son discours sur la non-utilité du guide a eu sur la dernière génération de chercheurs spirituels, avec pour effet de valider des egos naturellement enclins à l’auto-validation et au refus de toute obéissance à une autorité spirituelle quelconque : pour moi, c’est ne pas voir de quelle façon, en agissant ainsi, nous réagissons comme des enfants-ego gâtés, ne supportant pas qu’un père ou une mère spirituelle nous pointe ce qui est désagréable à notre système de croyance.
En particulier, je ne suis pas d’accord avec sa phrase « vous choisissez le gourou qui vous donnera la réponse que vous souhaitez, vous le choisissez selon la satisfaction qu'il vous apporte ; votre choix dépend de votre satisfaction… » : je chemine depuis une trentaine d’années dans diverses voies spirituelles et j’ai certes pu constater que cette allégation s’applique à bon nombre de ce que mon guide appelle les « touristes de la spiritualité » et qu’Arnaud Desjardins qualifiait de personnes attirés par « l’ésotourisme ».
Bien sûr que cela existe, des egos en quête de validation, de mieux-être, qui vont vers les « pseudo-gourous » qui leurs garantissent monts et merveilles en deux ou trois week-end, pour des sommes rondelettes… Sans parler du grand marché des « gri-gri » spirituels : minéraux, élixirs, encens, auxquels on peut ajouter tous les systèmes symboliques chercher à expliquer qui nous sommes et pourquoi nous fonctionnons ainsi, sans parler du channeling, etc, j’en passe et des meilleures… Tout cela étant la majorité de ce que l’on rencontre lorsqu’on parle actuellement de « spiritualité », je comprends vraiment les propos de Krishnamurti. Encore plus lorsque je me réfère au fait que, en Inde, la relation Guru-Shisha (maître-disciple), a entrainé là aussi des dérives notoires…
Mais sous prétexte que des dérives sont toujours possibles, est-il pertinent de rejeter en bloc la relation guide-disciple ? A mon sens, ce serait « jeter le bébé avec l’eau du bain »…
Pour revenir à la phrase « vous choisissez le gourou qui vous donnera la réponse que vous souhaitez, vous le choisissez selon la satisfaction qu'il vous apporte ; votre choix dépend de votre satisfaction… » : j’ai toujours justement choisi des guides qui ne me donnaient d’emblée pas du tout la réponse que je souhaitais, et qui « m’apportaient » beaucoup d’insatisfaction, de par la profonde remise en question de tout mon système de croyances qu’ils ont impulsé dès nos premières rencontres. Ce « dérangement » profond de ma matrice de perception a justement été LE critère qui m’a fait les choisir, sachant que c’était justement cette matrice qui m’empêchait de percevoir ma nature véritable.
La phrase de Krishnamurti est une démonstration du fait que le chercheur ne cherche pas « la vérité », mais une « issue à la confusion, par erreur, appelée vérité ».
Je suis évidemment d’accord avec cela : le « chercheur » est mis en mouvement en nous par notre structure égotique s’identifiant de manière erronée à ce que nous percevons, ressentons et pensons.
A l’instar de Louis XIV disant aux parlementaires « L’état, c’est moi ! », notre mental se prend pour ce qu’il perçoit, ressent et pense (les états qui le traversent), en privilégie certains qu’il cherche à pérenniser et en déteste d’autres qu’il cherche à éviter : son quotidien consiste donc à chercher les moyens d’attraper ce qu’il considère être « le bonheur » et à repousser ce qu’il considère être « le malheur ».
Souvent, après s’être rendu compte que les moyens matériels ne fonctionnent pas pour atteindre son objectif, le « chercheur » se tourne vers les moyens spirituels. S’il se sent un peu perdu avec la multitude des pratiques, techniques, voies qui s’offrent alors à lui, il peut se mettre en quête d’un guide, toujours mû par son désir de « trouver une issue à la confusion », comme le dit très justement Krishnamurti, mais en aucun cas pour trouver la vérité : il cherche le bonheur.
Jésus a dit : « La vérité vous rendra libres ». Il n’a pas dit « La vérité vous rendra heureux ».
Et c’est bien de cela dont parle Krishnamurti : le « chercheur » agi par son mental en quête de toujours plus « d’AVOIRs », aussi spirituels soient-ils n’est absolument pas en quête de se « dépouiller du connu » pour découvrir la vérité de « l’ETRE » qu’il est en réalité.
Il s’agit donc, lorsque Krishnamurti dit «votre choix est déterminé par votre satisfaction» de savoir QUI est satisfait par ce choix ?
La structure égotique ou la conscience se rappelant à elle-même ?
Mon expérience m’a montré que le degré de «confort » ressenti par la structure mentale lors du choix d’un guide apporte une réponse directe à cette question : si aucune peur n’est ressentie, c’est selon mon expérience, le signe que la structure mentale est rassurée par le guide choisie… ce qui n’est pas bon signe, dans une optique de libération de la structure mentale !
En revanche, ce que j’ai ressenti (et dont bon nombre de disciples témoignent), face à un guide susceptible de percer à jour tous nos schémas de conditionnement et de nous pointer directement la « porte sans porte », est un fort élan intérieur (celui de la Conscience se reconnaissant, Libre, en cet être), un appel, mêlé à une peur irrépressible (celle de la structure conditionnée) m’enjoignant de prendre mes jambes à mon cou. J’ai vécu, deux fois à ce jour (lors de la première entrevue avec les deux êtres qui ont joué le rôle de guide pour moi), ce moment où je sens que le choix de m’engager envers cet être n’est plus « mien », de ce « moi » qui habituellement, quotidiennement, régit mes faits et gestes, me manipule comme le ferait un marionnettiste, mais bien celui d’une force intérieure plus grande que ce marionnettiste-là, d’une force issue du cœur même de la Conscience, au centre de mon être, appelant à se dévoiler, à se retrouver, me poussant implacablement à me mettre face au miroir de ma nature véritable qu’est le guide se présentant à moi…
Aujourd’hui encore, je peux témoigner qu’avant chaque rencontre avec mon guide actuel, une part de moi frémit à l’idée de ce qui va pouvoir encore être « dérangé » en ce qui reste de mes identifications personnelles…
Je témoigne avec force que les deux guides avec lesquels j’ai travaillé (dont celui auprès duquel je chemine encore) m’ont permis de démonter brique à brique « LEGO : ‘je’ de construction » qui était mien…
Et ce chemin a été et est tout sauf confortable !
Je me revois encore, en 2007, après un an de travail avec mon guide actuel, lors d’un entretien au cours duquel il a littéralement fait voler en éclats d’une phrase toute ma matrice de l’époque : je me suis vue, intérieurement, tentant de surnager dans l’eau au milieu des débris flottant du Titanic de mon système de croyances (qui ressemblait à l’époque à une Encyclopedia Universalis de la spiritualité, sciences ésotériques, du monde entier), encore sous le choc de l’explosion… Là, j’ai VU mon mental à l’oeuvre, tentant en urgence de reconstituer une cohérence à tout cela, de me réoffrir une vue d’ensemble qui tienne la route pour préserver sa vision du monde, avec un « moi » existant comme son centre…
Et j’ai fait à ce moment le plus grand choix de ma vie : j’ai choisi de ne pas permettre cette reconstruction, j’ai choisi d’entrer dans l’espace de « Je ne sais plus rien », « Je ne comprends plus rien »… En cet instant même, j’ai plongé dans un océan d’une sérénité infinie…
Aujourd’hui, je ne sais toujours plus, mais je vois chaque jour mon mental à l’œuvre, continuant inlassablement à essayer de rafistoler son radeau de fortune… Je le regarde avec bienveillance, mais je ne lui donne pas de matériau pour solidifier son œuvre… et chaque rencontre avec mon Guide m’est une occasion supplémentaire de déconstruction.
Gangaji (disciple de Poonja, lui-même disciple de Ramana Maharshi) dit :
« La voie spirituelle n’est pas une voie d’acquisition : acquisition de sagesse, de sérénité, de ceci ou cela. C’est une voie de dépouillement de tout ce que nous croyons avoir, et de tout ce que nous voulons avoir, pour rencontrer ce que nous SOMMES déjà. Ce que m’a apporté mon maître, c’est de tout perdre. Ainsi j’ai pu goûter ma nature véritable ».
Yvan Amar (disciple de Chandra Swami) disait pour sa part :
"Le témoignage de l’enseignement repose essentiellement sur la présence d’un éveillé.
Il n’y a pas d’enseignement sans une telle présence.
Il est non pas l’enseignement en tant qu’objet, il est par nature l’acte même d’enseigner.
C’est son destin d’éveillé qui fait que sa présence, sa nature, enseignent de fait, et, de plus, à quelqu’un qui se croit différent.
Son enseignement n’est pas un objet, mais sa façon d’enseigner, mais sa façon d’être.
Sa nature véritable ne repose sur aucune forme particulière.
Sa présence, silencieuse ou non, agissante ou non, est la nature de l’enseignement."
Adyashanti nous partage :
"Quand tu viendras à lui
tu le connaîtras par la façon
dont il vole tout ce qui est sacré
dans la paume de ta main.
D’autres te promettront davantage.
Il ne te promettra rien,
même pas un miracle.
Tu te tromperas toi-même
avec ses enseignements.
Tu écouteras chaque mot
sortant de ses livres avec anticipation.
Mais pendant qu’il parle
ses yeux rient.
Tu enregistreras ses mots
et tu les réécouteras.
Tu les liras encore et encore,
cherchant leur signification secrète.
Mais sa vraie voix se dérobera à toi
parce que tu cherches
et tu n’écoutes pas.
Tu cherches
et tu n’écoutes pas.
Tu cherches
et tu n’écoutes pas."
Il est clair pour moi que le maitre n'a absolument pas le pouvoir d'engendrer de "bons disciples", puisque seul l'aspirant-disciple (terme qu'utilisait Swami Prajnanpad) peut se qualifier en tant que disciple en s'ouvrant pleinement à l'enseignement de son guide, en faisant fi des protestations de sa matrice conceptuelle, de ses croyances, de ses réactions égotiques, etc...
Quant à engendrer de "bons maîtres", si l'éveil était transmissible aussi aisément, cela se saurait !!! Et les textes sacrés ne relatent pas que du temps de Bouddha, Jésus ou autre, le nombre d'éveillés ait connu des pics extraordinaires...
J'aime bien le dicton japonais qui dit "c'est le grand disciple qui fait le grand maître"...
J'ai l'expérience que, quel que soit le degré d'évolution, réalisation, de l'être que l'on choisit pour guide, c'est notre capacité à nous positionner en tant que disciple envers lui qui fait beaucoup sur notre évolution : en effet, à quoi bon avoir Bouddha ou Jésus pour guide si nous remettons en question tout ce qu'ils disent, au lieu de nous interroger ? Comme l'évoque Adyashanti dans le texte précédent, le vrai disciple n'est pas celui qui cherche, qui interroge, mais celui qui écoute la réponse de celui/celle qu'il a choisi pour guide...
Pour les courageux(ses) qui ont lu cet article jusqu'ici, je vous invite chaleureusement à lire l'article écrit sur ce thème par Nicole Montineri et paru dans le n°100 de la Revue 3eme Millénaire : pour cela, cliquez ICI.
Puisse chacune et chacun d'entre vous trouver ce qui lui est le plus précieux pour réaliser sa nature véritable !
Qu'est-ce qui t'empêche de voir ton prochain comme un guide qui peut aussi te révéler des angles-morts et d’accepter d'être pointée dans tes angles mort par tout ce qui est et qui se présente à toi, incluant le guide si tu veux mais incluant tout... Toute l'expérience du réel devient alors mon guide. Ou plutôt j'accepte de jouer le jeu (du guide) avec tout le réel…
Rien ne m’empêche, a priori, dans l’intention, de voir mon prochain comme un guide susceptible de me révéler mes « angles morts ».
Et la question n'est pas que ce "prochain" ne soit pas aussi "efficace" qu'un guide : il n'est pas question de son "efficacité", mais de ma capacité à accepter à tout moment la remise en question d'autrui.
Mon expérience est que, même si c'est mon intention, dans la réalité, certaines parts de mon identification refusent de se "soumettre", de "se rendre" à ce que me pointe l'autre... Donc, avec beaucoup de réalisme, je choisis de soutenir mon intention d'être "pointée" dans mes angles morts en décidant qu'avec celui/celle que je choisis pour guide, il n'y aura pas d'exception à l'ouverture, quoi que raconte mon identification...
"Avoir l'intention" de "jouer le jeu (du guide) avec tout le réel" ne suffit pas, dans mon expérience, à ce que cela se vive concrètement, quelles que soient les situations.
Pour moi, choisir un guide, c'est juste assumer avec humilité ma limite d'acceptation de "jouer le jeu (du guide) avec la vie en général, à tout moment, sous toutes ses manifestations, et m'offrir la possibilité de m'ouvrir complètement à mes angles morts, au moins avec un être, totalement !
Concernant le fait de considérer que le maitre a forcement raison, n'est-ce pas une façon d'intégrer inconsciemment le maitre dans l'ego ? L'ego sait très bien déléguer par identification lorsqu'il s'agit d'avoir raison. Comme le dit Buddha : "ne rien croire sans avoir soi-même vérifié, comme le joaillier vérifie que la matière est bien de l'or."
Tout d'abord, être lucide sur le fait que, pour pouvoir vérifier que "la matière est bien de l'or", il faudrait être capable de discerner l'or du métal doré... Or comment le ment-al peut-il reconnaitre ce qu'il ne connait justement pas ?
Comme le disait mon premier guide : "Pour reconnaitre un diamant, il faut déjà en avoir un éclat dans l'oeil..."
Ensuite, considérer que "le maître a toujours raison" est justement le garant que l'ego n'aura pas raison.Voilà comment je vois les choses : il y a ma (la même en tous) nature véritable, pure vérité, pure ouverture, pure conscience, qui joue à se manifester "en tant que" sensations, émotions, pensées. Aucune dualité en cela, seulement Unité se manifestant "en tant que" diversité. Et dans ce jeu du Je unique, se manifeste une particularité nommé "identification" : le Je source joue à se prendre pour ses états. "Je" ressens qu'un état de tristesse travers l'espace-conscience que je suis se mue en "Je suis triste"...
Une fois ce jeu-là amorcé, le Je originel est bien vite oublié, et demeure l'identification à nos états sensoriels, émotionnels, mentaux...Dans cet article, j'appelle "mental" (mind en anglais) ce qui nous fait nous identifier à ces états.Rien de mal à cela, aucun problème avec le fait que le mental fasse cela : simplement, ce n'est pas la réalité de QUI nous sommes vraiment. Or le petit souci est que le mental est persuadé d'avoir raison dans ce qu'il perçoit, quoi qu'il perçoive... Donc, lorsque je choisis de reconnaitre un être comme mon guide, de lui donner ce rôle, j'extériorise, pour mieux l'entendre, le "Je source", cela me permettant de voir en miroir pour qui le mental est en train de se prendre.
Un mot que j'aime particulièrement en anglais est "surrender", qui est la façon anglaise de prononcer le mot du vieux français "surrendre", signifiant s'abandonner à... Que mon "Je source" soit représenté par la parole, l'action du guide est un soutien pour que mon mental puisse "surrendre", là où habituellement, il "prendrait le mors", comme un cheval refusant de suivre la direction que son cavalier l'invite à suivre...Donc, choisir un guide, lui donner toujours raison est justement pour moi une façon de "déléguer par identification", mais pour accepter d'avoir tort... !
Donner systématiquement raison à quelqu'un, que ce quelqu'un soit soi-même ou un guru reconnu me parait obéir à une même démarche qui bride une chose essentielle dans un chemin d'éveil : la remise en question.
Refuser de mettre la parole d'un guide en doute par principe est pour moi la fin de la recherche spirituelle, et le début du conditionnement mental. Ca me parait totalement contradictoire avec la notion d'éveil qui consiste entre autre à sortir des croyances.
Une telle validation systématique des propos d'un maître mène aux dérives sectaires que l'on connait.
Ce qui est pointé ici sont les écueils auxquels se heurtent la plupart des personnes lorsqu'on parle de la notion de "guide" : le mental se cabre comme un cheval rebelle à l'idée qu'on puisse lui enlever sa sacro-sainte liberté, et son soi-disant libre-arbitre.
La notion de guide et la relation « guide-disciple » mettent en lumière beaucoup d’enjeux du chemin spirituel, qu’Arnaud Desjardins a abordé de façon très exhaustive dans son ouvrage « L’ami spirituel ».
Ma recommandation serait, pour celles et ceux qui se posent des questions sur ce thème, plutôt d’en discuter ici, que vous lisiez d’abord intégralement ce livre, et que vous reveniez ici ensuite s’il vous reste encore des questions sur le sujet…
Pour celles et ceux qui n’ont pas envie de lire ce livre, je vais essayer d’aborder ici les aspects qui me semblent essentiels, en lien avec les questions précitées.
Le Guide : qui dit que c’est un Guide ? Sûrement pas lui !
Comme je l’ai écrit plus haut dans cet article, c’est le disciple qui offre ce rôle à quelqu’un qu’il juge digne de confiance. Tous les abus que l’on peut rencontrer au niveau sectaire ont pour fondement l’inverse : une personne s’auto-investit d’un pouvoir, et profite ensuite de la faiblesse du moment et de la crédulité des personnes venant à elle pour exiger qu’elles fassent ceci ou cela, et en particulier, qu’elles s’isolent de leur famille et lui donnent un maximum d’argent. Lorsqu’on investit un être du rôle de guide, nous choisissons de lui obéir, en aucun cas nous ne recevons d’exigences de sa part : aucun être n’a le pouvoir de nous faire faire ce que nous ne voulons pas faire ! Il faut que nous lui donnions ce pouvoir !
Extraits de « L’Ami spirituel » d’Arnaud Desjardins
La confiance : Le disciple a non seulement le droit mais le devoir de se poser certaines questions préalables mais, à partir du moment où il a choisi un maître, il faut que la confiance s’instaure. Sinon dès que le maître commencera avec vous le véritable travail qui lui incombe et qui passe obligatoirement par la mise en cause de vos fonctionnements habituels, vous ne serez plus d’accord avec lui, vous en conclurez que vous avez raison et qu’il se trompe.
L'obéissance : c’est la reconnaissance d’une autorité extérieure bénéfique pour se libérer d’un esclavage intérieur désastreux.
Il ne vous est pas demandé d’obéir au doigt et à l’œil comme des esclaves, mais de réfléchir profondément à cette question, car l’obéissance est une aide dont on ne peut se faire aucune idée tant qu’on ne l’a pas expérimentée.
Etes-vous capable de franchir le pas qui consiste à vous soumettre à un homme libre dont le but est vous conduire le plus vite possible à votre liberté, à la libération, à l’indépendance, à l’autonomie ?
Il est certain que l’ego et le mental ressentent parfois violemment que le maître est « un autre » car dire que : le maître est un avec le disciple ne signifie pas qu’il doit me justifier et me donner raison tel que je suis aujourd’hui, c’est-à-dire, en fin de compte, dans mon esclavage actuel. Donc, le disciple se rebiffe et résiste : je ne me soumettrai pas à quelqu’un qui veut m’obliger à faire ce que je ne veux pas faire et qui veut m’empêcher de faire ce que je veux faire. « Si ton mental vit, tu meurs ; si ton mental meurt, tu vis. » Au lieu d’être l’esclave de votre mental qui vous veut du mal, devenez l’élève de votre guru qui ne vous veut que du bien. La vraie manière d’échapper à ce statut d’esclave, c’est de vous soumettre à l’autorité d’une personne qui, elle-même, a échappé à ce statut.
En vous soumettant à un maître digne de ce titre (étant entendu que c’est vous qui lui donnez ce titre, pas lui !), vous vous soumettez à vous-mêmes, vous-mêmes enfin déjà arrivés à votre propre sagesse. C’est seulement cette manière de s’exprimer qui peut vous permettre de comprendre. Celui qui, aujourd’hui, est le plus vous-mêmes libres, vous-mêmes autonomes, vous-mêmes guéris, c’est le guru. La plupart d’entre nous ne sommes pas prêts à cette conversion drastique car la tendance de l’ego, c’est le refus d’obéir et nous n’avons au départ aucune envie de nous « remettre à quelque autorité que ce soit. »
[fin des extraits du livre "L'ami spirituel" par Arnaud Desjardins]
Si les guides avaient entièrement raison, ils auraient tous exactement le même discours, or ce n'est pas le cas.
Comme je l’ai déjà dit, rien n’existe de tel qu’un guide, en soi… C’est le disciple qui fait d’un être son guide, en acceptant volontairement de jouer au jeu « guide-disciple » : en ce cas, le guide de ce disciple a raison, pour lui, sachant que ce qu’il dit pour ce disciple et qui est « avoir raison » pour ce disciple-là, est sans doute exactement l’inverse de ce qu’il dirait à un autre !
A ce sujet, il me revient une anecdote avec une disciple d’Osho, qui cherchait à faire ce qui était juste aux yeux de celui qu’elle considérait comme son guide. Elle mettait donc beaucoup de soin à s’habiller selon les recommandations en vigueur à l’ashram. Elle arrive donc à un satsang, toute de blanc vêtue, et Osho l’apostrophe devant toute l’assemblée en lui disant « Ah ! Tu te crois assez éveillée pour t’habiller en blanc ! Quelle arrogance ! ». Atterrée, elle quitte le satsang sous les rires de la salle, et passe la journée à chercher comment s’habiller le lendemain. Finalement, elle choisit de s’habiller en noir, se disant que c’est la couleur de la cendre, de l’humilité. Elle arrive, fébrile, au satsang. Dès son arrivée, Osho l’interpelle : « Oh ! De mieux en mieux ! Te crois-tu assez humble pour porter la couleur noire ? ». Effondrée, elle quitte la salle sous les rires redoublés de l’assistance. Elle passe encore une journée cauchemardesque à essayer de deviner quelle couleur est appropriée pour elle. Elle choisit finalement l’orange, qui est la couleur des vêtements des sannya, se disant que puisqu’aucune couleur n’est appropriée à ce qu’elle est, elle peut peut-être porter la couleur de celles et ceux qui renoncent à tout, y compris à eux-mêmes. Le lendemain matin, tremblante, elle se présente au satsang. Immédiatement, Osho la harangue d’une voix tonitruante : « Mais que fais-tu dans la robe des sannya, alors que tu n’en as pas pris les vœux ? »… S’effondrant devant lui, en larmes, elle lui fait part de son désarroi : « Maître, je ne sais plus que faire, aucune couleur ne vous va jamais… que dois-je porter, dites-moi, je n’arrive pas à me retrouver dans ce que vous me dites ! ». Osho éclate de rire et lui dit : « Ne comprends-tu pas justement que mon rôle est de t’aider à te perdre !!! Je te dirai non à chaque couleur de robe jusqu’à ce que tu réalises de quelle façon tu t’identifies à ce que tu portes !!! »
Si un « touriste spirituel » était passé le premier jour, il aurait simplement entendu dire par Osho que la couleur blanche n’était pas appropriée ; si le lendemain, il était alors voir un autre enseignant, il aurait pu entendre que la couleur blanche était la plus appropriée et en déduire que ces deux enseignants tenaient un discours différent, là où, au fond, ils tenaient exactement le même : dire ce qui était le plus à même de pointer au disciple la source de son identification erronée.
Mais a-t-on besoin d’un guide ? Krishnamurti dit que non !
Cf « vous choisissez le gourou qui vous donnera la réponse que vous souhaitez, vous le choisissez selon la satisfaction qu'il vous apporte ; votre choix dépend de votre satisfaction… » et «Vous ne pouvez donc pas trouver la vérité ailleurs qu'en vous-mêmes… »
Certains proches de Krishnamurti lui ont dit, à la fin de sa vie, désespérés de n’avoir pas atteint leur vérité par eux-mêmes, telle qu’il leur enjoignait de le faire, sans avoir de guide : « Vous êtes monté par une échelle au sommet de la tour du discernement. Arrivé en haut, vous avez jeté l’échelle, et vous nous avez dit ‘Pourquoi ne volez-vous pas, tout simplement pour me rejoindre ?’. Il n’est pas juste de nous demander de suivre un chemin qui n’est pas celui que vous avez emprunté ! »
Pour ma part, je comprends ce que veut dire Krishnamurti lorsqu’il parle de chercher la vérité par soi-même, et je suis bien d’accord avec sa phrase « vous ne pouvez pas trouver la vérité ailleurs qu’en vous-mêmes ».
Le guide n’est là que pour favoriser cette rencontre avec la vérité que nous sommes… Une fois que l’on est conscient de ce que nous cherchons, de sa nature, qui est notre nature véritable, nous savons qu’aucun guide ne pourra jamais nous apporter la vérité, car cela signifierait que la vérité est un « objet » que nous pouvons « avoir », alors qu’elle est cela même que nous sommes…
Par contre, je vois les ravages que son discours sur la non-utilité du guide a eu sur la dernière génération de chercheurs spirituels, avec pour effet de valider des egos naturellement enclins à l’auto-validation et au refus de toute obéissance à une autorité spirituelle quelconque : pour moi, c’est ne pas voir de quelle façon, en agissant ainsi, nous réagissons comme des enfants-ego gâtés, ne supportant pas qu’un père ou une mère spirituelle nous pointe ce qui est désagréable à notre système de croyance.
En particulier, je ne suis pas d’accord avec sa phrase « vous choisissez le gourou qui vous donnera la réponse que vous souhaitez, vous le choisissez selon la satisfaction qu'il vous apporte ; votre choix dépend de votre satisfaction… » : je chemine depuis une trentaine d’années dans diverses voies spirituelles et j’ai certes pu constater que cette allégation s’applique à bon nombre de ce que mon guide appelle les « touristes de la spiritualité » et qu’Arnaud Desjardins qualifiait de personnes attirés par « l’ésotourisme ».
Bien sûr que cela existe, des egos en quête de validation, de mieux-être, qui vont vers les « pseudo-gourous » qui leurs garantissent monts et merveilles en deux ou trois week-end, pour des sommes rondelettes… Sans parler du grand marché des « gri-gri » spirituels : minéraux, élixirs, encens, auxquels on peut ajouter tous les systèmes symboliques chercher à expliquer qui nous sommes et pourquoi nous fonctionnons ainsi, sans parler du channeling, etc, j’en passe et des meilleures… Tout cela étant la majorité de ce que l’on rencontre lorsqu’on parle actuellement de « spiritualité », je comprends vraiment les propos de Krishnamurti. Encore plus lorsque je me réfère au fait que, en Inde, la relation Guru-Shisha (maître-disciple), a entrainé là aussi des dérives notoires…
Mais sous prétexte que des dérives sont toujours possibles, est-il pertinent de rejeter en bloc la relation guide-disciple ? A mon sens, ce serait « jeter le bébé avec l’eau du bain »…
Pour revenir à la phrase « vous choisissez le gourou qui vous donnera la réponse que vous souhaitez, vous le choisissez selon la satisfaction qu'il vous apporte ; votre choix dépend de votre satisfaction… » : j’ai toujours justement choisi des guides qui ne me donnaient d’emblée pas du tout la réponse que je souhaitais, et qui « m’apportaient » beaucoup d’insatisfaction, de par la profonde remise en question de tout mon système de croyances qu’ils ont impulsé dès nos premières rencontres. Ce « dérangement » profond de ma matrice de perception a justement été LE critère qui m’a fait les choisir, sachant que c’était justement cette matrice qui m’empêchait de percevoir ma nature véritable.
Mais si l'inconfort provoqué par l'enseignement d'un guide est pour toi un critère quant au choix du guide, et que celui-ci remplit ce critère, alors il te satisfait et on est bien dans le cas argumenté par Krishnamurti lorsqu’il dit : «Vous choisissez selon vos préjugés. Donc, puisque votre choix est déterminé par votre satisfaction, ce n'est pas la vérité que vous cherchez, mais une issue à la confusion ; et l'issue à la confusion est, par erreur, appelée vérité. »
La phrase de Krishnamurti est une démonstration du fait que le chercheur ne cherche pas « la vérité », mais une « issue à la confusion, par erreur, appelée vérité ».
Je suis évidemment d’accord avec cela : le « chercheur » est mis en mouvement en nous par notre structure égotique s’identifiant de manière erronée à ce que nous percevons, ressentons et pensons.
A l’instar de Louis XIV disant aux parlementaires « L’état, c’est moi ! », notre mental se prend pour ce qu’il perçoit, ressent et pense (les états qui le traversent), en privilégie certains qu’il cherche à pérenniser et en déteste d’autres qu’il cherche à éviter : son quotidien consiste donc à chercher les moyens d’attraper ce qu’il considère être « le bonheur » et à repousser ce qu’il considère être « le malheur ».
Souvent, après s’être rendu compte que les moyens matériels ne fonctionnent pas pour atteindre son objectif, le « chercheur » se tourne vers les moyens spirituels. S’il se sent un peu perdu avec la multitude des pratiques, techniques, voies qui s’offrent alors à lui, il peut se mettre en quête d’un guide, toujours mû par son désir de « trouver une issue à la confusion », comme le dit très justement Krishnamurti, mais en aucun cas pour trouver la vérité : il cherche le bonheur.
Jésus a dit : « La vérité vous rendra libres ». Il n’a pas dit « La vérité vous rendra heureux ».
Et c’est bien de cela dont parle Krishnamurti : le « chercheur » agi par son mental en quête de toujours plus « d’AVOIRs », aussi spirituels soient-ils n’est absolument pas en quête de se « dépouiller du connu » pour découvrir la vérité de « l’ETRE » qu’il est en réalité.
Il s’agit donc, lorsque Krishnamurti dit «votre choix est déterminé par votre satisfaction» de savoir QUI est satisfait par ce choix ?
La structure égotique ou la conscience se rappelant à elle-même ?
Mon expérience m’a montré que le degré de «confort » ressenti par la structure mentale lors du choix d’un guide apporte une réponse directe à cette question : si aucune peur n’est ressentie, c’est selon mon expérience, le signe que la structure mentale est rassurée par le guide choisie… ce qui n’est pas bon signe, dans une optique de libération de la structure mentale !
En revanche, ce que j’ai ressenti (et dont bon nombre de disciples témoignent), face à un guide susceptible de percer à jour tous nos schémas de conditionnement et de nous pointer directement la « porte sans porte », est un fort élan intérieur (celui de la Conscience se reconnaissant, Libre, en cet être), un appel, mêlé à une peur irrépressible (celle de la structure conditionnée) m’enjoignant de prendre mes jambes à mon cou. J’ai vécu, deux fois à ce jour (lors de la première entrevue avec les deux êtres qui ont joué le rôle de guide pour moi), ce moment où je sens que le choix de m’engager envers cet être n’est plus « mien », de ce « moi » qui habituellement, quotidiennement, régit mes faits et gestes, me manipule comme le ferait un marionnettiste, mais bien celui d’une force intérieure plus grande que ce marionnettiste-là, d’une force issue du cœur même de la Conscience, au centre de mon être, appelant à se dévoiler, à se retrouver, me poussant implacablement à me mettre face au miroir de ma nature véritable qu’est le guide se présentant à moi…
Aujourd’hui encore, je peux témoigner qu’avant chaque rencontre avec mon guide actuel, une part de moi frémit à l’idée de ce qui va pouvoir encore être « dérangé » en ce qui reste de mes identifications personnelles…
Je témoigne avec force que les deux guides avec lesquels j’ai travaillé (dont celui auprès duquel je chemine encore) m’ont permis de démonter brique à brique « LEGO : ‘je’ de construction » qui était mien…
Et ce chemin a été et est tout sauf confortable !
Je me revois encore, en 2007, après un an de travail avec mon guide actuel, lors d’un entretien au cours duquel il a littéralement fait voler en éclats d’une phrase toute ma matrice de l’époque : je me suis vue, intérieurement, tentant de surnager dans l’eau au milieu des débris flottant du Titanic de mon système de croyances (qui ressemblait à l’époque à une Encyclopedia Universalis de la spiritualité, sciences ésotériques, du monde entier), encore sous le choc de l’explosion… Là, j’ai VU mon mental à l’oeuvre, tentant en urgence de reconstituer une cohérence à tout cela, de me réoffrir une vue d’ensemble qui tienne la route pour préserver sa vision du monde, avec un « moi » existant comme son centre…
Et j’ai fait à ce moment le plus grand choix de ma vie : j’ai choisi de ne pas permettre cette reconstruction, j’ai choisi d’entrer dans l’espace de « Je ne sais plus rien », « Je ne comprends plus rien »… En cet instant même, j’ai plongé dans un océan d’une sérénité infinie…
Aujourd’hui, je ne sais toujours plus, mais je vois chaque jour mon mental à l’œuvre, continuant inlassablement à essayer de rafistoler son radeau de fortune… Je le regarde avec bienveillance, mais je ne lui donne pas de matériau pour solidifier son œuvre… et chaque rencontre avec mon Guide m’est une occasion supplémentaire de déconstruction.
Gangaji (disciple de Poonja, lui-même disciple de Ramana Maharshi) dit :
« La voie spirituelle n’est pas une voie d’acquisition : acquisition de sagesse, de sérénité, de ceci ou cela. C’est une voie de dépouillement de tout ce que nous croyons avoir, et de tout ce que nous voulons avoir, pour rencontrer ce que nous SOMMES déjà. Ce que m’a apporté mon maître, c’est de tout perdre. Ainsi j’ai pu goûter ma nature véritable ».
Yvan Amar (disciple de Chandra Swami) disait pour sa part :
"Le témoignage de l’enseignement repose essentiellement sur la présence d’un éveillé.
Il n’y a pas d’enseignement sans une telle présence.
Il est non pas l’enseignement en tant qu’objet, il est par nature l’acte même d’enseigner.
C’est son destin d’éveillé qui fait que sa présence, sa nature, enseignent de fait, et, de plus, à quelqu’un qui se croit différent.
Son enseignement n’est pas un objet, mais sa façon d’enseigner, mais sa façon d’être.
Sa nature véritable ne repose sur aucune forme particulière.
Sa présence, silencieuse ou non, agissante ou non, est la nature de l’enseignement."
Adyashanti nous partage :
"Quand tu viendras à lui
tu le connaîtras par la façon
dont il vole tout ce qui est sacré
dans la paume de ta main.
D’autres te promettront davantage.
Il ne te promettra rien,
même pas un miracle.
Tu te tromperas toi-même
avec ses enseignements.
Tu écouteras chaque mot
sortant de ses livres avec anticipation.
Mais pendant qu’il parle
ses yeux rient.
Tu enregistreras ses mots
et tu les réécouteras.
Tu les liras encore et encore,
cherchant leur signification secrète.
Mais sa vraie voix se dérobera à toi
parce que tu cherches
et tu n’écoutes pas.
Tu cherches
et tu n’écoutes pas.
Tu cherches
et tu n’écoutes pas."
Un bon maitre ne serait il pas plutôt celui qui engendre le plus de maitres plutôt que celui qui engendre de bons disciples ?!
Il est clair pour moi que le maitre n'a absolument pas le pouvoir d'engendrer de "bons disciples", puisque seul l'aspirant-disciple (terme qu'utilisait Swami Prajnanpad) peut se qualifier en tant que disciple en s'ouvrant pleinement à l'enseignement de son guide, en faisant fi des protestations de sa matrice conceptuelle, de ses croyances, de ses réactions égotiques, etc...
Quant à engendrer de "bons maîtres", si l'éveil était transmissible aussi aisément, cela se saurait !!! Et les textes sacrés ne relatent pas que du temps de Bouddha, Jésus ou autre, le nombre d'éveillés ait connu des pics extraordinaires...
J'aime bien le dicton japonais qui dit "c'est le grand disciple qui fait le grand maître"...
J'ai l'expérience que, quel que soit le degré d'évolution, réalisation, de l'être que l'on choisit pour guide, c'est notre capacité à nous positionner en tant que disciple envers lui qui fait beaucoup sur notre évolution : en effet, à quoi bon avoir Bouddha ou Jésus pour guide si nous remettons en question tout ce qu'ils disent, au lieu de nous interroger ? Comme l'évoque Adyashanti dans le texte précédent, le vrai disciple n'est pas celui qui cherche, qui interroge, mais celui qui écoute la réponse de celui/celle qu'il a choisi pour guide...
Pour les courageux(ses) qui ont lu cet article jusqu'ici, je vous invite chaleureusement à lire l'article écrit sur ce thème par Nicole Montineri et paru dans le n°100 de la Revue 3eme Millénaire : pour cela, cliquez ICI.
Puisse chacune et chacun d'entre vous trouver ce qui lui est le plus précieux pour réaliser sa nature véritable !