Extrait de « Le sens des choses » de Francis Lucille
La destruction de l'ego provoquée par l'éveil est-elle graduelle ou subite ?
Le premier instant de re-connaissance contient déjà en germe son accomplissement, de même que la graine contient déjà la fleur, l'arbre et le fruit. Pendant quelques temps encore l'ego, foudroyé par la vision encore partielle de cette intelligence, conserve un semblant de vie. A ce stade, l'habitude maintient encore les anciennes identifications, mais une brèche irrémédiable s'est insinuée dans la croyance en notre existence séparée. On pourrait dire que le coeur n'y est plus, dans tous les sens du terme. Des reconnaissances intermittentes élargissent ensuite cette brèche jusqu'au moment où l'ego, qui est un objet perçu, s'objective complètement avant de se dissoudre devant nos yeux, cédant la place à l'irruption de l'ineffable.
A la suite de cet éveil, nous nous trouvons libres de la peur et du désir, libre de la peur parce que, ayant réintégré notre soi immortel, le spectre de la mort nous quitte à jamais, et libre du désir parce que, connaissant la plénitude absolue de l'être, l'attraction désuète qu'exerçaient sur nous les objets cesse spontanément. Les anciennes habitudes psychiques et corporelles qui dérivaient de la croyance antérieure en une existence personnelle peuvent se manifester encore pendant quelque temps, mais toute identification avec un objet pensé ou perçu est désormais impossible. Contemplées dans la neutralité éblouissante de la conscience, ces habitudes se meurent une à une sans que leurs réoccurences temporaires déclenchent un retour de l'illusion égoïque.
A quels signes reconnaît-on la haute intelligence ?
Les pensées, sentiments et actions qui découlent de la haute intelligence se réfèrent à leur source, le soi. Une fois accomplis, ils nous laissent sur le rivage de l'absolu, telle l'écume que la vague dépose sur le sable. La pensée qui pense la vérité provient de la vérité et nous ramène à la vérité. Cette pensée a beaucoup de visages différents, elle pose des questions apparemment multiples, telles que "Qu'est-ce que le bonheur ?", "Qu'est-ce que Dieu ?", "Qui suis-je ?".
Toutes ces questions proviennent de leur source commune, la joie éternelle, le divin, notre soi. Quand cette pensée imprégnée du parfum de la vérité vous invite, faites-lui de la place, accordez-lui du temps, abandonnez-vous à elle, laissez-vous transporter.
Cette pensée est comme l'empreinte des pas de Dieu dans votre âme.
Laissez-le marcher où il veut.
Celui en qui cette haute pensée s'est éveillée est très fortuné. Aucun obstacle ne saurait l'empêcher d'accéder à la vérité. Une fois que le désir de l'ultime vous a saisi, l'univers entier coopère dans l'accomplissement de ce désir.
Etes-vous dans cet état d'accomplissement en ce moment ?
Il n'y a personne dans cet état. Ce non-état est l'absence de personne.
Est-ce que vous y entrez et en sortez ?
Ce n'est pas un état.
Dans ce cas vous êtes conscient que toute chose est à sa place ?
Du point de vue de la conscience, tout est conscience, donc tout est à sa place. Rien n'est tragique. Tout est lumière, tout est présence.
Du point de vue de la conscience, tout est conscience, donc tout est à sa place. Rien n'est tragique. Tout est lumière, tout est présence.
Compte-tenu du fait que nous sommes lumière et que les choses qui nous entourent sont aussi cette lumière, voyez-vous les choses différemment de nous ?
Non, je vois chaque chose exactement comme vous, mais il est des choses que vous croyez voir et que je ne vois pas. Je ne vois pas d'entité personnelle dans ce tableau. Même si une vieille habitude provenant de la mémoire de l'ancienne personne surgissait, elle serait totalement objectivée (perçue comme un objet), elle ferait simplement partie du tableau, elle ne serait pas ce que je suis. Je ne me prends pas pour une chose perçue ou pensée. C'est tout.
Vous pouvez faire de même. Vous êtes libre. Il suffit que vous essayiez. Faites-le, essayez ! Sur le champ !
Comment procéder ?
Chaque fois que vous vous prenez pour un objet, par exemple pour un homme ayant telle profession, ou pour votre corps, voyez-le.
Il y a donc un soi à un niveau plus élevé qui observe la situation, est-ce cela la perspective ?
C'est la compréhension intellectuelle de la perspective, non sa réalité. La réalité de la perspective est votre attention bienveillante, non le concept de l'attention bienveillante ou le concept de vous-même en tant qu'attention bienveillante, mais simplement votre présence lumineuse sans tension et sans résistance, accueillant d'instant en instant la pensée ou la sensation qui s'actualise, la laissant se déployer librement, puis se résorber en elle sans laisser de traces. Cette lumière originelle n'est pas une absence mais une plénitude. Abandonnez-vous à elle, laissez-vous envahir par elle.