Extrait de « Eclats de silence » de Daniel Morin
La souffrance apparaît sur la base de cette impossibilité, à savoir qu'il ne peut pas y avoir deux choses au même endroit et au même moment.
Je tiens ici à différencier la souffrance et la douleur : la douleur est un signal naturel qui permet d'orienter notre champ de conscience au niveau du corps physique, alors que la souffrance est une crise énergétique d'impossibilité.
Mais nous pouvons utiliser cette souffrance comme un signal que nous sommes en train de demander une chose impossible. C'est uniquement la vision de l'impossible qui arrête naturellement le processus de la souffrance.
J'ai observé durant les quatorze années de rencontres quotidiennes avec des personnes en recherche que la quasi-totalité d'entre elles se fondaient sur un sentiment de culpabilité, et basculaient dans des jugements dévalorisants : « Je m'y prends mal, je ne progresse pas, je n'y arriverai jamais, mon inconscient m'empêche d'avancer sur le chemin », etc.
Cette culpabilité est le résultat d'une comparaison incessante entre celui ou celle que nous sommes et celui ou celle que nous devrions être « à la place », entre la réalité et un idéal fictif.
J'affirme que la culpabilité est un obstacle à la vision claire et entretient l'idée fausse d'un individu séparé qui devrait atteindre quelque chose de spécial.
L'impossibilité énoncée sous forme de : « J'aurais dû être autre à la place de ce que j'ai été », ou « L'autre aurait dû être autre que ce qu'il a été » peut être transformée en désir possible : « Compte tenu de la situation, qu'est-ce que je peux faire maintenant ? ».
Cette proposition est possible à tout moment, quelles que soient les circonstances.