Vivez l’émotion
Lorsqu'une émotion surgit, par exemple l'angoisse, et que nous acceptons que cette émotion se produise ici et maintenant, nous ramenons l’émotion à une sensation, c'est-à-dire que nous réussissons à ne plus être identifiés à des pensées telles que « c'est horrible, ce n'est pas juste, ça fait des mois que ça dure, il n'y a aucune raison pour que ça change, je n'y arrive plus... ».
Au lieu de cela, nous entrons en communion avec l'aspect sensation de l'émotion, c'est-à-dire que l'aspect pensée est mis de côté. Être un avec l'émotion, c'est être un avec une sensation, parce que l'émotion est un ensemble de pensées et de sensations, les sensations étant des phénomènes biologiques, physiologiques.
Annihilez la distinction entre vous et votre émotion
Vous n'avez aucune connaissance réelle de vos pensées, de vos émotions, de vos sensations — de tous vos fonctionnements — parce que vous n'avez jamais été réellement, sans dualité à la lumière de la vigilance, vos pensées, vos sensations, vos émotions.Il y a toujours eu un certain décalage ; ce qui fait que vous n'avez jamais connu ce que vous avez vécu. Vous pouvez être libre de ces émotions en les connaissant. Comment pouvez-vous les connaître ? En étant, sans dualité, ému.
Si je veux un jour pouvoir dire comme Shankaracharya «je ne suis pas les émotions, je ne suis pas les sensations», il faut d'abord que je sois pleinement l’émotion et la sensation, pour comprendre l'irréalité de cette émotion, de cette sensation, et à quel point j'en suis libre.
Mais si je me débats contre l'émotion et la sensation, je l'affirme, je la fais être encore plus.
Il est possible — et la clé de la Libération est là — de rétablir d'abord la non-dualité en soi-même, de supprimer la distinction « moi et mon émotion ».
Si je pouvais dire « moi et mon émotion », cela signifierait que j'ai une émotion ; et si j'ai une émotion et que cette émotion est pénible, eh bien, je n'ai pas besoin de la garder !
Ce que j'ai et qui ne me plaît pas, je m'en débarrasse !
Mais quand l'émotion est là, elle m'emporte, que je le veuille ou non ; elle m'oblige à agir, elle m'arrache à ma conscience stable et immuable, elle m'entraîne dans un sens ou dans un autre, me rend excité, emporté par le bonheur et la joie (joie fragile, éphémère et empoisonnée, joie qui porte en elle-même son contraire), ou agité, énervé, parfois brisé par la souffrance.
Mais si je suis ce que je suis, sans dualité —je suis malheureux ? je suis malheureux — je suis conscient : je ne suis plus emporté par mais un avec. La souffrance seulement, puisque la souffrance est là, une-sans-un-second, mais éclairée par la Conscience neutre et non engagée.
Alors la souffrance n'apparaît plus comme souffrance. Elle s'évanouit.
Laissez l'émotion avoir son jeu complet et s'évanouir.
Si nous n'intervenons pas pour la modifier, infléchir son cours, l'émotion suit un processus naturel, comme tout phénomène : elle naît, elle se déploie, elle meurt.Plus nous lui donnons de l'espace — l'espace de se déployer selon sa propre loi — plus elle devient neutre : un phénomène énergétique qui se produit en nous et dont nous pouvons être le témoin attentif et silencieux.
Par rapport aux émotions, Swâmi Prajnânpad donne ici quatre recommandations que l'on pourrait résumer ainsi :
- cesser une fois pour toutes de rendre les circonstances responsables de nos états intérieurs
- quand il y a émotion, porter son attention sur l'émotion et non plus sur la situation
- ne plus faire qu'un avec l'émotion
- laisser l'émotion se déployer naturellement, sans intervenir, de façon à ce que celui qui évalue, jauge, juge l'émotion ne soit même plus là.